Prenons-nous un instant pour George Stobbart et foulons le pavé de Paris à la recherche des templiers.
Paris en automne…
Les Chevaliers de Baphomet réussit partout là où un jeu vidéo peut réussir, ce qui en fait un chef d’oeuvre intemporel. Mais s’il y a bien quelque chose qu’il réussit particulièrement, c’est son appropriation de la ville de Paris. Loin d’une copie carte postale, le jeu de Revolution Software prend des largesses avec le réel tout en retranscrivant à la perfection cette mélancolie propre à la capitale française quand elle s’exprime dans son écrin d’automne. A tel point que Paris demeura un passage obligé pour tous les opus suivants, et qu’elle devienne un peu, quelque part, son personnage principal d’égal à égal avec George Stobbart.
Mais est-il possible, si on arpente les rues de la ville, de reproduire à l’identique le parcours de George Stobbart, l’américain à Paris ? Paris porte-t-elle vraiment la trace des Templiers ? La rue Jarry existe-t-elle vraiment ? Autant de questions auxquelles j’ai tenté de répondre dans ce qui semble ressembler à une enquête exclusive.
Paris, vraiment ?
Paris en automne, les derniers mois de l’année et la fin d’un millénaire…
Que cela soit dit tout de suite. Si vous cherchez à vous aventurer dans les rues de Paris à la recherche des endroits exacts qui auraient été reproduits quasi à l’identique dans le jeu original « Les Chevaliers de Baphomet », vous risquez d’être franchement déçus.
Car si l’on s’en tient rigoureusement aux endroits que George et Nico visitent dans la ville lumière dans la version originale du premier jeu Broken Sword, aucun endroit n’est clairement identifiable dans Paris. Autant de noms charmants, tels que « Le Café de la Chandelle Verte », le « Musée Crune », la clinique Hagenmeyer… des endroits qui n’existent pas, ni n’ont jamais existé. Sauf peut-être Montfaucon, mais nous y reviendrons.
Le constat est donc cruel, il faut le dire. Impossible de vous proposer un petit tour de Paris thématique, comme on a pu en voir beaucoup à Paris autour de The Da Vinci Code, Amélie Poulain ou plus récemment, Emily In Paris. Pour construire le Paris du célèbre jeu de Revolution Software, tout porte à croire que les développeurs de Revolution Software ont donc choisi de raisonner totalement émancipés de la réalité de la ville, ou alors parfois de manière cryptée tout en prenant beaucoup de libertés avec la réalité historique.
Alors que reste-t-il, me demanderez-vous ? Peut-on vraiment parler de balade sur les traces des Chevaliers de Baphomet à Paris ? Rien n’est moins sûr. Pourtant, au détour d’une rue, à l’évocation d’un nom, et en faisant preuve d’imagination, certaines trouvailles sont à considérer. Procédons donc lieu par lieu, et voyons ce qui s’y rapporte de près ou de loin, dans le Paris véritable.
Le Café de la Chandelle Verte
Le Café de la Chandelle Verte n’existe pas, ni de près ni de loin. Désolé. Il y a évidemment de nombreux endroits dans Paris où vous pourrez prendre un café en terrasse avec la Tour Eiffel à l’horizon. En cela, le Café de la Chandelle Verte n’est absolument pas une trahison et reproduit à la perfection un totem de la vie Parisienne, et que personnellement je chéris plus que tout: le Bistro.
Remettons-nous en à la carte du jeu, désormais. Selon elle, le Café de la Chandelle Verte se trouverait en haut du Boulevard des Invalides, au niveau du Square d’Ajaccio. Un jardin, donc. Et surtout, pas un café à l’horizon. A moins que, le Café de la Chandelle Verte puisse s’assimiler au café voisin, le “Café du Musée”, situé au 17 boulevard des Invalides. On peut donc, avec pas mal d’imagination et de projection, se dire que c’est bien là que George se rend en touriste avant que son existence ne bascule pour de bon. Et pour aider, il est vrai qu’il suffit de marcher quelques dixaines de mètres pour apercevoir la Tour Eiffel dans un angle tout à fait splendide.
Rue Jarry l’appartement de Nico :
Alors que George appelle Nico pour lui dévoiler la piste du tueur qu’il a trouvée, elle lui livre son adresse afin qu’il parte la rejoindre. “361 rue Jarry”. Il y a bien une rue Jarry à Paris. Mais pas de numéro 361 (la rue est toute petite) et surtout, si on s’en remet à la carte du jeu, elle n’est absolument pas à la bonne place !
Alors pourquoi ce choix ? C’est évidemment un hommage au poète et dramaturge Alfred Jarry, auteur notamment de la pièce de théâtre Ubu Roi. Ubu? Retenez bien ce nom. Pas certain en revanche que les développeurs aient pris le temps de vérifier dans un guide l’existence de la rue ni de sa localité exacte…
Toutefois, si on s’en remet strictement à la carte du jeu, nous atterrissons au croisement de la rue de la Convention et la rue Olivier de Serres. Un quartier résidentiel et populaire, tout à fait charmant, où il est tout à fait crédible qu’une journaliste du pedigree de Nico ait pu y élire domicile. Il ne reste plus qu’à y trouver une marchande de fleurs qui lit les lignes de la main et le tour est joué !
La Risée du Monde
Nico est formelle: “C’est un magasin de farces et attrapes situé près de la gare Saint-Lazare”. C’est vrai, si on s’en remet à l’épingle située sur la carte du jeu. Elle nous indiquerait l’adresse approximative suivante: 96 boulevard Haussman. Ce qui est, effectivement, situé près de la Gare Saint-Lazare. Mais l’évidence est là, pas de tel magasin dans le quartier, pas même un magasin de jouets tenu par un rigolard dépressif qui va vous servir une poignée de main électrifiée… rien de tout ça ! A moins que…
Avec un peu d’indulgence, et vingt minutes de marche à pied plus tard, vous trouverez au 29 passage Jouffroy, juste derrière le Musée Grévin, un magasin de jouets au charme certain, où articles vieux et anciens cohabitent dans une ambiance qui a conservé de son charme rétro. En plus, le magasin du jeu semble se trouve dans un passage, exactement comme le magasin “Pain d’Epice” De là à imaginer que Mr. Merlin s’y est rendu dans ce magasin pour acheter du fard et un nez de clown, il n’y a qu’un pas !
Hôtel Ubu
Remettons nous une nouvelle fois à la carte du jeu. L’hôtel huppé Ubu se trouverait vers la place de Bercy, quelque part entre la gare, pas trop loin de la Seine. Alors oui, cet endroit de la ville qu’on pourrait qualifier de purement fonctionnel a bien son lot d’hôtels, mais rien dans le jus ou le style de l’hôtel Ubu que nous connaissons bien en tant que joueurs des Chevaliers de Baphomet. En effet, le quartier ne propose que des hôtels assez fonctionnels pour les voyageurs transitant par la gare non loin d’ici la Gare de Lyon. Toutefois, si vous passez dans le coin et que vous êtes amateurs de belles choses et de bons plats, ne manquez pas le restaurant Le Train Bleu, situé à l’intérieur même de la gare.
Alors, aucune trace de l’hôtel Ubu à Paris ? Peut-être que si. Il me semble que l’incontournable hôtel Ritz, situé Place Vendôme, ait des airs du Ubu, notamment par sa cage d’escalier. L’entrée, assez accueillante et animée, prête aussi à croire que Charles Cecil et l’équipe de Revolution Software ont pu s’en inspirer.
Concernant la devanture, il m’a semblé que celle du Paris Marriott Opera Ambassador Hotel, situé au 16 boulevard Haussmann, rappelait celle du jeu, notamment pour ses drapeaux du monde entier qui ornent son fronton.
Le Mémorial Jacques de Molay (Île de la Cité)
Cet endroit n’est pas à proprement parler un lieu où George se rend pour y mener l’enquête. Mais il s’agit de l’endroit précis et exact qui est représenté sur la gravure qui illustre le récit de Nico sur la montée en puissance, l’apogée et la chute des Templiers.
C’est un endroit central dans Paris où il est très simple de se rendre. Traversez le pont neuf, juste en face du grand magasin la Samaritaine et vous tomberez nez à nez avec une resplendissante statue d’Henri IV. Prenez le petit escalier à droite et vous arriverez à l’endroit exact où Jacque de Molay fût envoyé au bûcher. Tout comme le site de Montfaucon, c’est désormais un endroit paisible où il fait bon flâner.
La Clinique Hagenmeyer
La Clinique Hagenmeyer est une invention pure, un endroit assez irréel qui semble vouloir moquer les cliniques privées dont on se fait une image pour le moins caricaturale. Toutefois, c’est entendant le commentaire de George alors qu’il arrive dans la cour: “Les nouvelles constructions étaient comparables à une casquette de base-ball posée sur une statue du Moyen-Âge” que l’on peut difficilement ne pas penser au traitement douloureux qu’à dû subir le légendaire Hôpital Saint-Louis.
L’hôpital ne date certainement pas du Moyen-Âge, mais du siècle du Roi Soleil, mais il suffit de s’y rendre pour témoigner du douloureux mariage forcé entre les nobles constructions d’époque et les construction modernes que nous qualifierons sans risque aucun de… fonctionnelles.
Détail amusant, l’Hôpital Saint-Louis se trouve à deux pas du site du Gibet de Montfaucon. Et donc aucunement là où le jeu place son hôpital sur sa carte de Paris, qui se situerait plutôt où se trouve… l’hôtel du Ritz?
Montfaucon
Montfaucon est un endroit clé des séquences parisiennes des Chevaliers de Baphomet et se décline en plusieurs scènes. La place, l’église, la galerie souterraine, le récit de Nico… Sauf que du gibet de Montfaucon, il ne reste plus rien… Il a littéralement été oblitéré par l’Histoire de France et donc, tout ce que vous voyez dans le jeu et qui se rapporte à cet endroit est totalement fictif.
Toutefois, c’est bien le seul et unique endroit de tout le jeu qui se rapporte à un site précis, existant, et dont l’épingle sur la carte montre son emplacement exact dans la vraie vie. Là-dessus, les développeurs ont tenu à ce que la vérité historique soit respectée. Respectée ? N’allons pas jusque là. Car encore une fois, tout ce qui est présenté à vos yeux dans le jeu autour de Montfaucon tient de la pure fiction.
Pour vous le prouver, voici ce que vous verrez si vous vous rendez aux deux endroits accessibles qui vous amèneront au plus près de là où se trouvait le terrible gibet, à savoir les 12 à 22 rue Boy-Zelenski et le 53 à 55 rue de la Grange-aux-Belles.
Des barres d’immeuble modernes, fleuries, plaisantes, un parc pour les enfants, des infrastructures sportives… Aucune trace d’un édifice datant d’un autre millénaire.
Quant à l’église, il y en a bien une à quelques rues du site, l’Eglise Saint-Georges de la Villette. Mais il est très peu probable, tant sa construction est récente (1880) que vous y trouviez un quelconque lien avec le Gibet de Montfaucon ou les Templiers.
Quand à la galerie souterraine où les pseudo-Templiers se réunissent pour fomenter des plans de domination du monde, il s’agit encore d’une simple et pure fiction.
La Station de Police
Le Poste de police du Sergent Moue et de l’inspecteur Augustin Rosso ne correspond à rien de tangible dans le vrai Paris, tant il est anormalement joli. On peut très difficilement imaginer un commissariat dans ce style, qui d’ailleurs, ressemble davantage à un mini hall de gare qu’à un bureau de police.
Alors que dit la carte ? L’adresse serait au 225 Rue Raymond Losserand, à la totale périphérie de Paris. Pas de commissariat à l’horizon, et encore moins ce type d’architecture.
Le Musée Crune
Il n’y a malheureusement pas grand chose à dire sur ce petit musée à part qu’il tient de l’invention pure. Il n’existe également pas de musée consacré à l’Histoire de si petite taille dans Paris, alors on pourrait imaginer qu’il s’agit d’un mélange entre le Musée Gustave Moreau (14 Rue Catherine de la Rochefoucauld), le Musée Delacroix (6 Rue de Furstemberg) avec quelques pièces importées du Musée de Cluny (28 Rue du Sommerard) pour l’aspect médiéval ( et le Musée du Louvre, notamment pour le sarcophage dans lequel se cache George, avec il faut le dire, peu de respect pour les reliques des temps anciens.
Le site de Baphomet
Il s’agit d’une invention pure une nouvelle fois. Le site se trouverait quelque part sur l’avenue Kléber, vers le numéro 85, non loin du quartier de la Tour Eiffel et de l’esplanade du Trocadéro. Difficile d’imaginer un tel endroit pour ce site de fouilles, qui ressemble plutôt à une banlieue chic des plus calmes.
Pour vous consoler, sachez que Paris abrite bien un Baphomet, un vrai a priori. Vous le trouverez sur le fronton de l’Eglise Saint-Merri en plein centre ville, non loin du quartier du Marais. Alors, comment un Baphomet a-t-il pu se retrouver sur le fronton d’une Eglise ? Cette fois-ci, je vous laisserai vous même mener l’enquête !