Seduction Stories
En février 2017 débutait la production de Seduction Stories, mon projet de Otome Game. Il sortira deux ans plus tard par la société Butokaï que je créai, alors que la bulle des jeux de romance sur mobile atteignait son apogée.
Poste
Tâches
- PDG, Co-fondateur, Créateur
- Entrepreunariat (Société en SASU)
- Chef de projet
- Ecriture des scénarios
- Stratégie et contenus de communication
Le 10 juin 2019 sortait donc Seduction Stories, sur les stores français, et il s’agissait d’un jeu auto-produit en collaboration étroite avec Alexis Bauchu, développeur. Deux ans et demi de travail acharné, au service du genre vidéo-ludique le plus glorieux qui soit et je le pense vraiment: le Otome game (à savoir, un jeu de rôle à texte où l’on incarne une jeune fille qui drague/se fait draguer par une sélection de beaux garçons.)
Une passion véritable
On pourrait penser que débuter un projet de Otome Game en 2017 tiendrait du pur opportunisme. Et de l’opportunisme dans les Otome games, on en a vu passer pendant et après le développement du jeu. Me concernant, ma découverte des Otome était très privilégiée, car en même temps que je découvrais quelques titres présentés lors du salon Japan Expo en 2016, j’y trouvai également… du travail. Un français présent sur le stand du studio japonais Accela fut à la fois surpris et ravi que je propose mes services en tant que scénariste jeu vidéo, et après quelques échanges de mail, je commençais donc mon travail sur Les Princes de la Nuit.
C’est à ce moment que j’ai découvert un univers foisonnant, assez foutraque, caché aussi. Un univers où un nombre massif de femmes jouent dans l’ombre, à ces jeux de romance aux univers de pure fantaisie où des beaux garçons les emmenèrent il faut le dire, assez loin dans l’érotisme. Et encore une fois, tout ça à l’insu du monde en surface dans la planète jeu vidéo. Je me suis donc familiarisé à ce moment avec des titres tels que Amour Sucré, Is It Love, les traductions de titres japonais des studios Okko, Voltage… tout ceci avait encore la saveur unique de l’inexploré et un peu, du sulfureux.
Et alors que je savais que d’anciens collègues s’ennuyaient à leur poste et que d’autres envisageaient de prendre une pause sabbatique, me vint en tête, alors même que je travaillais toujours chez Gameloft (sur un titre qui se devait d’avoir un twist romantique), de réunir une équipe et de travailler en commun à un jeu Otome qui se passerait à Paris.
Développer c’est difficile
C’est un récit qui n’est que trop connu. Le développement d’un jeu vidéo est un casse-tête. Et chaque jeu vidéo qui sort est un petit miracle. De l’argent, nous en avions un petit peu, certes. Mais c’est bien l’assurance chômage qui nous entretenait et vers la fin, je dus prendre un boulot alimentaire dans une chaîne de papeterie et image pour me permettre de rester à flot.
Nous avions une direction claire, appuyée par une vision qui était nette dans mon esprit. Nous n’avons rien changé en cours de route et le jeu ressemblait au final aux tous premiers documents de préparation, ce que j’estime déjà comme une réussite en soi.
Mais malgré tout, ce type de projet piégeux représente en réalité toujours beaucoup plus de travail et d’anicroches qu’on peut se le représenter. Je ne saurais pas aujourd’hui lister toute la masse de travail qui a été abattue par Alexis et moi-même. Ce que je sais en revanche, c’est que nous en en sommes sortis lessivés.
Lessivés, car il faut le dire, malgré tout le travail créatif, de développement, de stratégie de com et d’entrepreunariat, les efforts n’ont au final, pas été récompensés. Seduction Stories n’a quasiment jamais été rentable, la rétention sur le jeu était quasi nulle et très peu de joueurs passaient à l’achat.
Pour faire court, ça n’a pas marché.
Une belle distinction
Non, Seduction Stories n’a pas marché alors qu’il avait tout pour réussir. Il était plus joli que la plupart de ses concurrents. Seul le jeu de romance de Ubisoft Paris Mobile, (annoncé publiquement alors que nous commencions à entrer en production de notre jeu, ce qui nous a donné de belles sueurs froides), Paris City Of Love, pouvait se vanter d’avoir de plus beaux assets que n’importe quel autre jeu de même genre. Le Studio 1492 avec ses titres Is It Love était sur toutes les lèvres, même si ces contenus très sexuels ont fait lever quelques sourcils. Des concurrents arrivaient de tous les côtés, tels que Nanobit, et les rouleaux compresseurs américains tels que Episode ou Choices finissaient de saturer la scène “jeu de romance à texte” sur tout l’occident.
Et dans toute cette effervescence, pour ne pas dire cette “otome-mania” un soutien aussi inattendu qu’inespéré qu’Apple France, reçut avec grand enthousiasme notre communiqué de presse pour immédiatement m’appeler et m’inviter à les rencontrer dans leur espace à Station F. Les échanges furent chaleureux et se traduisirent par du concret. Seduction Stories sera par deux fois sélectionné dans la catégorie “La crème des jeux français” en 2018, puis 2019 ainsi que plusieurs fois sélectionné dans une catégorie dédiée “L’amour en Otome”.
Peu de recours à pas de recours
Il faut dire que nous avions tellement le nez dans le guidon et les mauvais chiffres que nous n’avons pas vraiment, sur le coup, pris le temps de savourer une telle distinction. Peut-être parce que malgré cette mise en avant, rien ne changea. Les chiffres restèrent les mêmes, malgré cette sorte de “succès critique”.
Même l’éditeur Plugin Digital, qui avait décidé de nous accompagner sur Google, n’a jamais réussi à faire décoller notre jeu malgré une belle somme dépensée en acquisition. Et nous décidâmes alors, après quelques atermoiements, de plier boutique. C’était la fin du projet, qui n’avait même pas de quoi financer sa présence sur les stores.
Un épilogue de triste consolation
Alors que je fermais ma société pour retirer mon jeu des stores, je passais quelques entretiens d’embauche avec Ubisoft Paris Mobile, qui avait acquis, alors que nous développions encore Seduction Stories, notre principal concurrent, 1492 (Is It Love). Mais ces entretiens étaient longs, assez laborieux, je me demandais à l’époque pourquoi. Quelques mois plus tard, Ubisoft choisissait de fermer 1492, faut d’avoir réussi à raviver la flamme. La fièvre des Otome games était passée.
Alors je me dis qu’au final, Seduction Stories n’aurait pas pu marcher parce qu’il est sorti au pire moment, ce moment où la bulle était à son maximum, où la proposition était tellement massive et diverse qu’un petit jeu se passant à Paris avec une dimension sociale n’avait pas lieu de faire son chemin dans ce magma informe et sulfureux que constituait sa concurrence.
Enfin, un appel avec le superbe Christian Mahnke, CEO de Earreality, au lendemain de l’annonce de la fermeture de la société, fut une autre consolation. Alors qu’il me soutenait et m’encourageait, il me partagea aussi quelques chiffres sur les performances globales dans jeux de romances sur les dernières années. Ces chiffres n’étaient clairement pas bons.
Autocritique
Je pourrais me reposer sur cette conjoncture pour expliquer l’échec de Seduction Stories. Je pourrais conclure que finalement, le timing n’était pas bon et prendre comme excuse que c’était finalement inconscient de sortir un jeu sur mobile sans des sommes colossales en acquisition à dégainer au premier jour.
Ce seraient explications recevables, mais elles me sont clairement insuffisantes. Il me faut avouer que Seduction Stories n’a pas pris car il était peu attractif. La sauce ne prenait pas.
Il faut voir les streams, il ne sont pas tous bons. Les filles ayant joué à notre jeu sur Twitch ont trouvé ça beau, certes, mais sur le reste, il y a comme qui dirait une ambiance de rendez-vous manqué. Il manque un gimmick, une part de rêve, quelque chose qui sort de l’ordinaire.
Ma plus grande erreur aura été de vouloir imiter l’ordinaire, justement. De vouloir reproduire le confort de ce que l’on connaît, pour mieux proposer une expérience de familiarité, et d’attachement. Je reste convaincu que certaines joueuses ont pu trouver cet attachement à ces personnages et cet univers. Certaines fans ont été très actives sur Instagram pour partager des moments du jeu. Et la magie a pu opérer pour certaines. Mais ce n’était clairement pas suffisant.
Mon écriture était trop convenue, mon commentaire social trop présent, aussi. Il manquait ce moment de bascule qui fait que la vie ordinaire vacille et le récit prend une dimension romantique écrasante. Ce que font très bien d’autres titres Otome.
Avec quelques regrets, je me dis que si c’était à refaire, je réécrirais ce jeu d’une toute autre manière.
D’excellents souvenirs
Faisons un peu fi du négatif. Sortir Seduction Stories tient d’abord de la prouesse et nous en avons tous tiré une immense fierté. Egalement, un confrère qui développe toujours un jeu vidéo (depuis des années) à l’heure où j’écris ces lignes au un un jour cette remarque que jamais je n’oublierai: “Ton jeu n’a pas marché mais tu as réussi à ne jamais t’embrouiller avec ton équipe. C’est un exploit. Moi je n’ai pas encore sorti mon projet et je me suis déjà fâché avec tellement de gens.”
Il est vrai que malgré les coups durs et l’échec commercial du titre, j’ai pu conserver les amitiés et les camaraderies d’avec toutes les personnes qui y ont participé. Nous gardons tous le souvenir unique de la sortie effective du jeu, et je garde un souvenir ému de toutes personnes y ayant contribué. Des amis y ayant contribué me rappellent les bons souvenirs, des souvenirs de cette liberté que nous avions de faire le jeu que nous avions envie de faire.
Aussi, j’ai pu renouer avec des amitiés un peu perdues telles qu’avec Jean-Philippe et son excellente musique, et reçu des soutiens inattendus, alors je n’oublierai pas les remerciements largement dûs à Alexis, Véro, Laetitia, Robin, Caro, Pauline, Julie, Robin, Nivelle, et peut-être d’autres que j’oublie peut-être…